Panier anti-inflation : le diable est dans le détail

Depuis quelques jours, gouvernement et grandes enseignes font front commun pour proposer des solutions contre la hausse des prix. Alors que l’exécutif a abandonné l’idée d’un « panier anti-inflation » piloté par le gouvernement, la tâche revient désormais aux grandes enseignes, qui rivalisent de concurrence. Carrefour, Auchan, Système U : tous proposent aujourd'hui des dispositifs et des listes de produits « à prix coûtant ». Mais cela n’est pas sans défaut, ni sans un certain flou.

Il n’y aura pas de « panier anti-inflation » ; du moins, pas dans sa version gouvernementale, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ayant annoncé le 6 mars l’abandon de cette initiative, pour lui préférer le brumeux concept de « trimestre anti-inflation ». Alors que d’après l’Insee l’inflation alimentaire a atteint, en février, 14,5% sur un an, le gouvernement, coincé par les règles relatives à la concurrence qui lui interdisent d’encadrer trop strictement les prix, s’est résolu à faire confiance aux enseignes de la grande distribution. De facto, celles-ci avaient, pour la plupart, d’ores et déjà annoncé leurs propres mesures pour modérer la hausse des prix. Le recul des autorités françaises sur le blocage des prix offre donc l’occasion aux supermarchés de rivaliser d’ingéniosité marketing, sans que l’on sache si le consommateur y gagne vraiment.

Chaque enseigne y va de sa recette miracle. Carrefour s’engage ainsi à bloquer, du 15 mars au 15 juin, les prix sur 200 produits de sa marque distributeur. Intermarché promet, de son côté, de bloquer les prix de 500 produits, dont 470, ici aussi, de sa propre marque distributeur. Casino fait de même, en s’engageant à ne pas augmenter les prix de 500 produits de sa marque distributeur, produits dont le prix devrait, selon l’enseigne, rester inférieur à un euro. Monoprix lance ses « Monopetitsprix » et Super U promet de rogner sur ses marges, en vendant 150 produits à prix coûtant. Quant à l’auto-proclamé champion des prix bas, Leclerc, sa direction a estimé ne pas avoir besoin de mettre en place son propre panier anti-inflation. Lidl et Auchan n’ont, enfin, pas encore communiqué sur leurs éventuelles stratégies respectives.

Manger moins cher, mais manger moins bien ?

Ces diverses opérations auront-elles l’effet escompté sur le portefeuille des consommateurs ? Trop tôt pour le dire, mais avant même qu’elles n’entrent en vigueur, les spécialistes soulèvent certaines de leurs limites. A commencer par le choix, par les enseignes, des produits bénéficiant d’un blocage des prix : moins cher que les autres, tel ou tel produit sera-t-il, nécessairement, meilleur pour la santé ? L’UFC-Que Choisir relève ainsi que de très nombreux produits inclus dans l’offre des Hyper et Super U seraient des aliments de mauvaise qualité, très mal notés, par exemple, par le label alimentaire Nutriscore (D ou E).

Mais les produits bien notés par le Nutriscore sont-ils réellement meilleurs ? Alors que des enseignes comme Carrefour se sont engagées à bloquer, temporairement, les prix de plusieurs dizaines de produits distributeurs notés A ou B, rien ne garantit que choisir ces produits favorise vraiment un bon équilibre alimentaire. Depuis son apparition en 2017, le Nutriscore fait en effet l’objet de critiques récurrentes. Celles-ci pointent, par exemple, le fait que le système d’étiquetage ne tient pas compte de la présence d’additifs dans les produits notés. Le Nutriscore est aussi critiqué parce qu’il base ses notes sur une portion, immuable, de 100 grammes, qui ne correspond pas à celle qui est consommée par la plupart des clients. Bref, que les enseignes favorisent ou non le Nutriscore dans la composition de leurs « paniers », l’équation restera délicate à résoudre pour beaucoup de consommateurs français. Arrachage de cheveux en perspective…

Une opération de com’ avant tout ?

Par ailleurs, que valent les promesses des distributeurs ? Elles n’engagent que ceux qui y croient, aurait sans doute répondu un ancien président de la République… Alors que les experts prédisent un « printemps rouge » en termes d’inflation, « il n’y a aucune définition réglementaire de ce qu’est le prix le plus bas possible. Ça peut très bien être finalement un produit monté en épingle qui était déjà vendu à ces conditions tarifaires », s’insurge Olivier Andrault, de l’UFC-Que Choisir. Mettant en garde contre ce qui pourrait, selon lui, s’avérer « une annonce mensongère pour les consommateurs », M. Andrault estime que « la recette proposée est encore plus mauvaise » que celle du panier anti-inflation gouvernemental, « puisqu’en fait, (…) chaque enseigne pourra faire le panier anti-inflation qu’elle voudra ». Entre les kilos en trop et les blocages de prix bidons, pas sûr, en effet, que les ménages français y trouvent leur compte.

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